Pensées d'un jour : autour du cinéma

@ "Pour que deux Moi fassent un Nous, il faut que les deux Moi soient Soi"

Réplique de la psychanalyste (jouée par Camille Cottin) de Mélanie dans Deux moi de Cédric Klapish (2018)

Rémy (François Civil) et Mélanie (Ana Girardot) ont trente ans et vivent dans le même quartier à Paris. Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux pendant qu'il peine à faire une rencontre. Tous les deux victimes de cette solitude des grandes villes, à l'époque hyper connectée où l'on pense pourtant que se rencontrer devrait être plus simple. Mais ce film n'est pas juste une histoire de solitude et de dépression. Il est, je pense, plutôt une ode à la rencontre de soi pour être en possibilité de rencontrer un autre. Ce film met, à mon sens, tranquillement, en musique, la quête de soi nécessaire pour sortir de soi : le chemin personnel qui est à emprunter et qui aidera à se connaître soi pour alors croiser en paix le chemin d'un autre. Car, en effet, les deux personnages principaux ne se rencontrent pas tant qu'ils ne sont pas prêts à se voir/se découvrir.

@ "Faut être fou pour tomber amoureux. C’est une certaine forme de démence acceptée par la société" Réplique de Amy dans Her de Spike Jonze (2013)

Je pourrais presque écrire : un délire! Un délire partagé à deux et puis, à un moment, dans la vie amoureuse, une autre réalité se fait entendre, ressentir. Mais il peut aussi advenir que parfois, "l'un et l'autre" ou "l'un ou l'autre" du couple y tient à cette forme de délire. Comme tous les délires, il explique beaucoup de nos choix, de nos vies. Il y a des délires pathologiques qui nous éloignent d'une réalité partageable. Et il y a les délires communs : ceux qui sont entendables, pensables par nos amis, nos familles, la société. Faut-il chercher à réparer le délire quand celui-ci n'opère plus ? Tel un ciment dans notre vie de couple? Ou plutôt le dépasser peut-être? S'en créer un nouveau? tout seul ou à deux? ...une dialectique en somme à trouver entre ce qu'il y a à accepter, accueillir, et ce que je peux pour partie réécrire autrement, changer, ...même à deux!

@ "- J’aimerais bien connaître la vérité sur ces choses-là." (demandait un jour Harry à Dumbledore )

"- La vérité, soupira Dumbledore, elle est toujours belle et terrible, c’est pourquoi il faut l’aborder avec beaucoup de précautions …"

"- Pourquoi donc voulait-il (Lord Voldemort) me tuer ?…

"- Hélas, la première question que tu me poses fait partie de celles auxquelles je ne peux pas répondre. Un jour tu sauras, mais pour l’instant chasse cette pensée de ton esprit. Quand tu seras plus grand… Je sais que tu n’aimes pas ce genre de phrase… Disons plutôt que quand tu seras prêt, tu comprendras."

Une si précieuse découverte de soi ne peut-elle se faire que dans la solitude? Peut-on attendre de la parole d'un autre que Soi notre propre vérité? Celle qui ne concerne que son JE ? Dans sa propre histoire? Même dans le travail d'analyse, le professionnel qui vous accompagne ne "fait pas" le travail à votre place. Il est là, il cherche avec vous, entend les clefs qui sont les vôtres et vous les livre parce que vous ne vous êtes pas entendu les verbaliser (l'inconscient!) : en cela, il faut ce travail de tiers pour s'entendre et au fur et à mesure, présentifier ce tiers en vous, cet écart, qui permet la pensée. Certes, l'histoire d'Harry Potter en tant qu'adolescent devient de plus en plus obscure et dure, tant elle est marquée par la douleur des deuils et des renoncements. Mais comme dans le travail psychothérapique, la douleur à réévoquer parfois certains souvenirs enfouis dans la recherche de sa propre vérité, celle qui constitue notre Soi, s'accompagne aussi de soulagement. En cela, il s'agit d'une formidable quête de transformation. Comme la mue adolescente.

@ Les horcruxes d'Harry

Issu de l'univers de Harry Potter, un horcruxe est un objet dans lequel une personne a caché une partie de son âme : en séparant son âme en deux, elle en cache une partie dans l'objet de son choix. Se faisant, cette personne est protégée notamment si elle est attaquée ou que son corps est détruit...Il y en a sept dans le monde d'Harry qui composent les Horcruxes de Lord Voldemort : les lunettes et la cicatrice d'Harry, la bague des Gaunt, le Médaillon de Serpentard, le Journal de Tom Jedusor, la coupe de Helga Poufsouffle, le diadème de Serdaigle et le serpent Nagini.

Et si une psychanalyse était une formidable aventure qui nous entraîne à la recherche de nos propres horcruxes?

Car, tous nous sommes confrontés au pouvoir que nous donnons aux objets. Qui ne s'est pas ressenti plus fort dans un vêtement bien particulier : "qui nous ressemble"? Le téléphone portable est sans doute celui qui contient le plus "notre vie" au sens de nos photos, nos applis....Les objets : ce à quoi, mais aussi à qui, nous sommes ainsi intimement liés. Objets matériels mais surtout objets psychiques qui représentent immanquablement le prolongement de nos désirs. Le horcruxe ne serait-il pas ce mouvement projectif dont se sont fait l'écho des psychanalystes comme Anna Freud ou Melanie Klein? En considérant tout son environnement comme quelque chose de vivant, l'enfant dépose dans l’objet des parties de lui et se préserve : il se sépare des parties dites "mauvaises", celles dont il ne veut pas et ainsi il se préserve ses parties dites "bonnes" en les déposant dans tel ou tel objet.

Et vous? Où cachez-vous vos horcruxes? Quels sont-ils? Quel chemin emprunter pour vous (re)trouver? là ou peut-être nous cherchons tous à extirper de (notre) for intérieur un fragment intolérable de (notre) passé.